- Citation :
- Ezekiel
La foule se pressait autour de la grande salle du conseil de Bourgidus. Habituellement, ce lieu était réservé au conseil des sages, les mêmes qui furent persécutés par les membres de la secte des adorateurs de Tanédhel. Cette fois, la salle se remplissait peu à peu de tout ce que les villes des alentours comptaient comme rebus… ivrognes en manque d’argent, tueurs sanguinaires, curieux malsains. Au milieu de cette marée humaine, on croisait ça et là quelques mercenaires intrigués par l’annonce faite quelques jours auparavant par la confédération des banquiers.
Devant la lourde porte bardée de fer, deux gardes en armures, sabre à la hanche, fouillaient chaque personne avant qu’elle ne pénètre dans le bâtiment… L’annonce avait été très claire, pas d’arme lors de cette réunion, les banquiers tenaient trop à la vie pour prendre le moindre risque. Dans une caisse posée au sol se mêlaient les poignards et armes en tout genre prélevées sur les coupes jarrets de toute sorte qui se pressaient pour entrer, attirés par l’appât du gain.
Quelques minutes plus tard, les portes se refermèrent. Si ce n’étaient les murs décorés aux couleurs chatoyantes, on aurait pu confondre ce lieu sacré avec une coure de prison un jour de grande arrivée… Le brouhaha qui émergeait de la foule stoppa lorsque qu’une cloche retentit. Les gardes se pressèrent devant l’estrade, protégeant l’arrivée des nouveaux arrivés. Une petite porte s’ouvrit et les notables firent leur apparition, bagues à chaque doigt, énorme collier au coup et vêtement de tissus précieux ornés de fourrure… Tout ce qu’ils pouvaient afficher comme signe extérieur de richesse étaient là, jusqu’à leur ventre flasque, gras, signe de bonne santé d’après eux… écœurant…
Ils prirent place derrière la table, à bonne distance de leur auditoire. Un seul d’entre eux resta debout, Mandulius, il était celui qui présidait cette assemblée. Sa place faisait beaucoup d’envieux, surtout parmi ses confrères… C’était la tradition, celui qui possédait la plus grosse fortune dirigeait ses semblables. Il pesait à lui seul plusieurs centaines de milliers de gopis. Fier et arrogant, il toisait la foule, conscient de l’emprise qu’il avait sur elle. Perdu dans son luxueux manteau de fourrure, l’homme attendit quelques secondes avant de prendre la parole, imposant le silence d’un simple regard.
«
Habitants de Sarwyen… »
[…]
Pendant ce temps, a l’extérieur, un mendiant encapuchonné s’approcha des deux gardes. Le corps voûté en signe de soumission, il leur tendit une timbale en fer.
«
Une petite pièce messieurs, à votre bon cœur… »
Les deux hommes d’armes se regardèrent en souriant avant de s’approcher de lui l’air menaçant.
«
Passe ton chemin manant où tu goûteras à notre… »
Un bruit sourd de métal le coupa net, une odeur de chair brûlée vint chatouiller ses narines. Le deuxième garde venait de s’effondrer au sol, un trou béant dans le dos. La plaie encore fumante ne laissait pas s’échapper la moindre goûte de sang, cicatrisée par la chaleur dégagée par l’impact.
Il n’eut pas le temps de réagir, le mendiant se jeta sur lui, souleva légèrement son casque et enfonça son poignard dans la gorge du malheureux. Le sang emplit sa bouche, étouffant ses cris…
Quelques secondes plus tard, seule une tache de sang sur le sol pouvait témoigner de l’agression, les deux corps gisaient à quelques mètres à l’abri des regards indiscrets.
[…]
«
… Depuis trop longtemps ces deux elfes ratissent les ruelles de nos villes, et pire encore, ils s’attaquent maintenant sans scrupule à nos coffres forts. Ils ont dépassé les bornes ! »
Mandulius frappa du poing sur la table.
«
Je veux pouvoir les regarder dans les yeux quand je leur arracherai le cœur. J’offre cent mille gopis à quiconque me ramera ces elfes vivants… »
Personne ne sut si le discours de Mandulius était terminé… Une corde tomba de la charpente, juste derrière lui. La tête en bas, Ezekiel venait de faire son apparition, sans un bruit. Le corps du banquier s’effondra au sol tandis que sa tête restait comme suspendue dans l’air. Au même instant, une des verrières vola en éclats, des boules de feu jaillirent de l’ouverture, projetant à plusieurs mètres les gardes affectés à la sécurité de l’assemblée. La silhouette de Blyss apparut dans la lumière, bâton en main et sourire satisfait rivé sur les lèvres.
Ezekiel lâcha la corde et sauta sur la table, face à l’assemblée, brandissant la tête sanguinolente comme un trophée de chasse.
«
Tu peux me regarder dans les yeux désormais… » lâcha l’elfe avant de balancer sa prise au milieu de la foule…
Il se retourna vers les banquiers.
«
Messieurs, si je me permets de vous tourner le dos, c’est que je sais que la mort s’abattra sur quiconque fera le moindre geste. Quant à vous, banquiers bedonnant, estimez-vous heureux de ne pas subir le même sort que votre chef. En échange de notre gentillesse, nous vous demandons de vous débarrasser de tous ces bijoux trop jolis pour vous et de les mettre dans ce sac. »
Il sauta soudain sur un homme en manteau rouge et planta son poignard dans sa main, le clouant à la table. L’homme poussa un hurlement terrible, vacillant sur sa chaise.
«
Tss, tss tss, ce n’est pas très aimable à vous… N’abusez pas de notre patience et reposez donc sur la table cette chaîne que vous venez de glisser par erreur dans votre poche. Avis aux amateurs messieurs…»
Quelques secondes plus tard, Blyss lui lança une corde. Sac en bandoulière, Ezekiel grimpa le long du mur pour rejoindre sa partenaire tandis qu’elle surveillait la foule.
«
Messieurs, les elfes vous saluent ! »
Les deux elfes se laissèrent glisser à l’extérieur et disparurent dans les ruelles de Bourgidus avant que les tueurs ne parviennent à ouvrir les portes pour se lancer à leur poursuite.
