Le Neuvième Monde...

Citation :

Ezekiel

…Tu es le Passeur.

Le passeur… Je n’avais rien demandé, juste à vivre normalement, et voilà qu’un vieillard débarquait et me balançait ça en pleine figure… Riche idée que j’avais eue de lui voler son pendentif, je comptais bien lui rendre mais il ne m’en avait pas laissé le temps. Il s’était évaporé dans la nature, nous laissant face à un destin dont on ne connaissait rien… Parti retrouver l’Oeil du Suprême, confiant mon sort à Blyss… Il ne nous avait pas laissé les temps de réagir, ne nous avait pas laissé le choix…Pauvre fou, de quelle folie t’a frappé…

Je me concentrais sur ce médaillon, il fallait que je comprenne…

…Je vais chercher quelques herbes histoire qu’on aborde ces voyages l’esprit ouvert… J’arrive...

Je me contentai de répondre à son clin d’œil par un mouvement de tête, trop perturbé pour répondre à son sourire… La porte se referma, me laissant seul avec mes interrogations, mes peurs, mes doutes…

Je tournai et retournai le pendentif, cherchant un quelconque mécanisme… Combien de temps j’étais resté à triturer ce bout de ferraille, je n’en avais aucune idée. Mais le pendentif fini par réagir.

Ezekiel….

Je relevai les yeux, cherchant d’ou venait cette voix… Rien n’allait plus, je rêvais éveillé… Je devenais fou, la voix, cette voix résonnait dans mon crâne, elle m’appelait… Je me mis à secouer le pendentif dans tous les sens…

« Tais toi ! » lui hurlais-je « Tais toi ! »

Les branches se mirent à rayonner d’une étrange chaleur, me paralysant sur place. La partie basse du médaillon était glacée tandis que celle supérieure était brûlante, presque incandescente. J’aurais du hurler de douleur mais je ne ressentais rien, juste quelques picotements dans les doigts.

Sur le mur du fond, les pierres bougèrent, fusionnèrent pour finir par disparaître, remplacées par un cercle lumineux dont la surface semblait bouillir, presque vivant… En quelques secondes, tout ce qui trouvait à sa portée fut aspiré, verres, livres… La porte du repère s’ouvrit, claquant contre le mur, et s’arracha, disparaissant à son tour, engloutie par la lumière… Une rivière de feuille et de branchages entra dans le repère pour se noyer à son tour… Puis ce fut le tour de la table, des chaises, tout ce qui se trouvait dans la pièce disparu.

Accroché à un pilier, je résistai dans bien que mal, luttant contre cette force qui m’aspirait. Les muscles tétanisés, je sentais mes doigts lâcher prise. Une rafale de vent plus puissante que les autres eut raison de moi. Tel un pantin désarticulé, je flottait dans l’air, incapable de résister pour disparaître à mon tour.





J’ouvris enfin les yeux, ma tête me faisait mal, une douleur sourde s’était installée dans mon cerveau. Je m’agenouillai et me mis à tousser. Ma gorge et mes poumons me brûlaient, les mains posées au sol, je cherchai à expulser ce mal qui me consumait. Quelques secondes plus tard, une chaleur lancinante remonta de mes entrailles, un goût âpre envahit ma bouche. Je vomis des cendres…

Citation :

Le Treizième

Des 12 mondes, le pendentif choisis le Twärvalyen comme second point de chute. Aussi vertigineuse que puisse être une telle route l'Elfe ne succomba pas. Pour sûr, le vieillard ne s'était pas trompé, il devait devenir le nouveau Passeur.


Le sol de la ruelle étroite était recouvert d'une brume si épaisse qu'on ne pouvait distinguer les dalles de métal noir qui la recouvrait.

Le chemin était en pente et la fumée noire s'y répandait tel un ruisseau calme, alimenté par une multitude de petits bras qui provenaient d'autres ruelles encore plus petites, encore plus sombre. Les murs qui entouraient l'Elfe semblaient intangibles, leurs parois suintantes sentaient le charbon. Une autre odeur vint frapper l'Elfe, une odeur de fruit en décomposition. Des gouttelettes d'encre tombaient des charpentes extérieures des maisons hautes collées les unes aux autres qui brodaient la rue. Au dessus des toits, très haut dans le ciel, des nuages anthracite tourbillonnaient au dessus de la ville comme si un immense cyclone avait posé son oeil sur Ezekiel.

Le pendentif se mit à frémir. Des hurlements lointains brisèrent le silence. Le pendentif trembla et émit une lueur violine diffuse par saccades :

"Ezekiel te voici parvenu dans le 9ème Monde, le Twärvalyen.

Un monde d’ombres et de douleurs…Le territoire des Limbes est le plus noir que l’Univers puisse porter. Il est le reflet sombre des autres mondes. Il en contient la noirceur la plus pure, les ténèbres les plus denses et les esprits les plus torturés dont tu as pu voir quelques actes en Särwyen.

Tout n’y est que tourbillons et ouragans. Les cités qui s’y érigent sont recouvertes d’un voile de brume impénétrable. De grandes tours hostiles se dressent dans un ciel obscur, des vents violents balayent le paysage et en modifie l’apparence à chaque instant. Cette ruelle ne seras plus après ton passage, déjà, tu semble troubler le paysage car ton coeur connais encore trop de bonheur pour que tu puisse t'y fondre.

Les Ombres, habitants du Twarvälyen, flottent et se laissent porter par milliers dans ces cités de bouillard. Elles sont le cœur du monde, elles sont les fondations d’un Univers de ténèbres. Ton coeur et tes yeux se feront bien vite à l'obscurité que l'on ne peut nommer et toi aussi, un jour, tu les verras déambuler.

Gendrazeth, grande créatrice des Limbes est la mère des trois Seigneurs de l’Ombre Elle est la première entité né du Nihïlyen. Expansionniste, elle a ordonné à ses fils de rassembler ses semblables dans chacun des autres mondes afin d’anéantir les différences, et d’asseoir sa suprématie sur un Treizième monde d’Ombres et de Douleurs."

Petit à petit des formes torturées se dessinaient devant les yeux d'Ezekiel, le défiant du regard. Certaines semblaient l'appeler à l'aide, d'autres semblaient vouloir le chasser de leurs gestes agressifs.

La ruelle tantôt en pente semblait se transformer sous les yeux de l'Elfes. Ses ramifications se remplissaient de plus en plus de brouillard. Soudain se fut les mains d'Ezekiel qui se noircirent. La teinte sombre remontait le long de ses poignets et de ses avants bras. La partie basse de son corps disparaissait.

"Il est temps Ezekiel. Il est temps que tu cri ta colère. Il est temps que tu défie ceux qui te retiennent encore sur le 7ème Monde..."

Tout devint noir, tout devint vide.

Citation :

Ezekiel

J’ouvre les yeux mais ne parviens pas à voir ce qui m’entoure. Tel un aveugle, je tends les bras à la recherche de je ne sais quoi pour me repérer. Le contact froid de la pierre me fait sursauter. Je pose mes deux mains, explorant ce qui semble être un mur. L’humidité ruisselle sur mes mains… Une grotte…

J’avance à tâtons, gardant les mains sur cette parois qui me sert de fil d’Ariane. Après plusieurs minutes, je perçois enfin une lumière, encore trop faible pour me repérer mais suffisante pour me guider. J’accélère la cadence, cette atmosphère m’étouffe. Mes pieds buttent dans quelque chose et je bascule en avant. Je me retrouve nez à nez, enfin ce qu’il en reste, avec un cadavre en pleine décomposition. L’odeur est insoutenable, je sens mon estomac se nouer. Je lutte mais ne parviens pas à me maîtriser, mon corps ne m’obéit plus et je finis par vomir sur cette… chose..

Je me relève rapidement, il faut que je parte si je ne veux pas m’effondrer. Le dos sur la pierre fraîche me rappelle que je dois faire vite, je dois sortir d’ici, retrouver Blyss et lui dire ce que j’ai vu, toutes ces horreurs…

La lumière se fait plus vive, j’accélère la cadence, l’arc à la main, prêt à décocher mes flèches. Après quelques mètres, un bruit me fait sursauter. Je décoche une première flèche et saute derrière un rocher pour m’abriter. Il ne manquait plus que cela… Poussé par une rage frénétique, je fais s’abattre une pluie de flèche sur l’entrée de la grotte et ses occupants. Quelques secondes plus tard, plus rien ne bouge…

J’attends quelques minutes avant de me relever puis repars, arc bandé. Je discerne enfin ceux sur qui j’ai tiré, enfin leurs corps. Je les connais tous, je les ai déjà croisés, dans une auberge ou je ne sais où… Je leur fais les poches, il n’auront plus besoin d’or de toute façon… A quelques pas, deux corps gisent l’un à coté de l’autre. Je sors mon poignard et m’approche lentement.

Le visage du premier m’arrache un sourire… Snitch, baignant dans son sang. L’autre et sur le dos mais je l’ai déjà reconnue… D’un coup de pied dans les cotes, je l’oblige à se retourner sur le dos, lui arrachant au passage un cri de douleur… Je jubile, ceux là même qui m’avaient menacé quelques jours avant de me tuer, de tuer Blyss s’ils en avaient l’occasion…Les mêmes qui n’avaient pas réussi à protéger Yanae des ombres…. Ils sont là, le souffle court, agonisant, le regard vide…

La colère m’envahit. J’attrape Snitch par les cheveux et le force à me regarder. Je l’appuie contre un rocher, il doit voir…

« Regarde pauvre incapable, contemple la mort, regarde bien son visage, une dernière fois, écoute ses plaintes, elles te hanteront pour l’éternité… »

Je lui crache au visage, libérant toute la rancœur que j’ai pour lui, lui et son clan, les Gouzis… Rien que le nom me donne la nausée. Je relâche ma prise et attrape Ink Eyes par les pieds et la traîne devant son compère. Elle laisse échapper un râle de souffrance… le premier… Elle va souffrir, ils vont souffrir, ils doivent payer, servir d’exemple, on ne menace pas Blyss impunément…

Je retire lentement les flèches du corps meurtri de la jeune centaure, tournant les pointes dans ses chairs, prolongeant l’agonie. Le sang perle à ses lèvres, je jubile en me penchant vers elle pour lui murmurer à l’oreille…

« Regarde bien mon visage, c’est la dernière chose que tu verras… »

En me redressant, je m’amuse de la peur qui se lit dans ses yeux. Ses yeux… D’un geste sec, j’enfonce mes doigts dans les orbites et lui arrache les yeux. Elle pousse un hurlement terrible qui vient se mêler à celui de Snitch.

« Tout doux ma belle, tout doux, tu ne vas pas mourir, pas maintenant… »

Ses cris m’insupportent, même dans la mort elle ne sait pas être digne… Soit, elle l’aura voulu. D’un coup de poignard, je lui taillade la langue et l’arrache, étouffant ainsi ses cris qui se meurent dans sa gorge…

Son corps est pris de spasme, je m’amuse de la voir ainsi souffrir, elle qui quelques jours auparavant m’avait menacé de mort… Elle n’en a pas encore fini, son supplice n’est pas terminé. Je pose la lame de mon poignard sur sa poitrine et laisse glisser la pointe sur la peau, l’entaillant largement. Je la regarde s’agiter, la douleur l’emporte peu à peu. Je glisse mes mains dans la plaie toute fraîche, et, prenant mon souffle, je tire d’un coup vers le bas, exposant à la faible lumière de la grotte ses chairs meurtries. Son corps se tend, seuls les nerfs tentent encore d’opposer une faible résistance. Je recommence l’opération, encore et encore, jusqu’à ce que plus un seul morceau de peau ne recouvre son corps.

Je me relève et m’approche de lui, les yeux de la centaure dans la main…

« Elle te plait comme cela ? Plus belle que jamais… »

Il voudrait me tuer, le pauvre, il ne sait pas encore….

« Ne sois pas jaloux… je vais m’occuper de toi maintenant… »






Quelques minutes plus tard, Ezekiel sortit de la grotte, les vêtements couverts de sang.

Voilà ce qui arrive quand on a la langue trop pendue…

Dans la matinée qui suivit, on retrouva les corps d’une centaure et d’un félys, écorchés, la langue plantée d’une flèche sur le front, les yeux enfoncés dans la gorge, bâillon mortel…